Depuis 2023, plusieurs départements ont été impactés par une épizootie de FCO (Fièvre Catarrhale Ovine), affectant les troupeaux bovins et ovins. Les sérotypes 3 et 8 ont été les premiers virus venus des Pays-Bas dès septembre 2023, et le sérotype 5 est déjà arrivé en 2024. La mortalité, les avortements, les infertilités temporaires et permanentes sont les conséquences principalement rencontrées dans les élevages français.
Plusieurs personnes m’ont contacté pour connaître les stratégies déployées à la ferme Phacelia & cie pour prévenir de la FCO (ou des oestres) qui sévit sur mon troupeau. Ce qui m’a donné l’idée d’écrire cet article où j’aborde la parasitologie et l’immunité des ovins allaitants. J’élève une race rustique la Raïole, en plein air et 100% herbe, sans vaccination. J’ai eu une perte en octobre 2023 et deux pertes en 2024. L’année n’est pas finie, l’accompagnement de l’immunité est quotidien et je vous partage les protocoles et outils mis en place.
ÉPIDÉMIOLOGIE
VIRUS DE LA FIÈVRE CATHARRALE OVINE
Famille : Reoviridae
Genre : Orbivirus
24 sérotypes
Pas de protection croisée.
Taille : 60 à 80 nm
Virus à ARN segmenté, non enveloppé, entouré d’une nucléocapside.
Membrane externe. Très résistant en présence de protéines.
Contagion
La voie de contamination est le sang.
Chez les ruminants, la virémie s'étale du 3ème au 10ème jour post-infection (pic vers les 6ème et 7ème jours).
Cependant l'infection peut persister jusqu'à 55 jours chez les ovins, 100 jours chez les bovins.
En phase de virémie, le virus peut également être retrouvé dans le sperme.
Le virus n'est pas excrété, ni dans la salive, ni dans le jetage, ni dans les lésions buccales. On ne le retrouve donc pas dans le milieu extérieur.
Transmission
Essentiellement par l'intermédiaire d’insectes du genre Culicoides. Au cours de la piqûre, l’insecte peut sucer du sang ou des liquides tissulaires contenant le virus et, après une période de durée variable pendant laquelle le virus se multiplie à l'intérieur de son organisme, peut transmettre celui-ci à un autre vertébré par une autre piqûre.
À noter que ces insectes se nourrissent préférentiellement sur les bovins.
Une seule piqûre de Culicoides infecté suffit pour qu'un animal acquière le virus.
Contamination in utero chez les bovins et les ovins possible.
Contamination via la semence, possible mais encore jamais démontrée.
Biologie des culicoides
Le cycle de Culicoides imicola est encore assez mal connu.
Environ 48h après un repas sanguin, la femelle de C. imicola pond ses oeufs, sous forme d'un chapelet brun d'une cinquantaine d’oeufs. L'éclosion a lieu 2 à 15 jours plus tard.
Les larves qui en sortent sont semi-aquatiques, et leur survie est donc inféodée à la présence
de conditions environnementales adéquates. Les gîtes larvaires sont les endroits humides et riches en matières organiques tels que les excréments.
[NB :Chez les autres espèces de Culicoides, les larves peuvent être aquatiques; on les retrouve
dans les boues de rive de mare, les bords d’abreuvoirs, les végétaux en décomposition et les creux d’arbres.]
Les larves peuvent en outre entrer en hypobiose, si les conditions climatiques sont temporairement défavorables, et résister ainsi plusieurs mois. La longévité des adultes est estimée à 10-20 jours en moyenne, avec des niveaux atteignant une cinquantaine de jours. Seules les femelles de certaines espèces de Culicoides sont hématophages. La femelle de C. imicola pique généralement tous les trois jours.
La dispersion active est très limitée : quelques centaines de mètres
La dispersion passive (par les vents) est beaucoup plus importante : quelques dizaines à plusieurs centaines de kilomètres. Les insectes sont transportés par des vents chauds et humides de basse altitude (<2000m), de vitesse moyenne (40 km/h). C’est très probablement de cette manière que C. imicola est arrivé en Corse en 2000, en provenance de la Sardaigne.
L'activité des Culicoides est essentiellement crépusculaire et nocturne.
Elle est en outre fortement inféodée à la température :
Activité maximale vers + 24 ° C
Arrêt du vol vers + 15-18 °C
La survie des insectes dans une région dépend également de la température :
Ils résistent de courtes périodes à -1,5°C
Leur survie nécessiterait en moyenne des températures maximales pour les mois les plus froids supérieure à + 12,5°C (10 jours consécutifs au moins > 13°C) (Mellor, 1993).
L’humidité joue également un rôle : les Culicoides ont besoin d’une humidité relativement importante; les pupes de C. imicola sont dispersées en cas de pluies abondantes. En conséquence, en zone tempérée, le vecteur devient abondant vers la fin de l'été, début d’automne.
Un Culicoides infecté le reste à vie, et une seule de ses piqûres suffit à infecter un hôte sensible. La période de latence déterminée expérimentalement est de moins de 10 jours. En outre, les capacités vectorielles de C.imicola dépendent de facteurs environnementaux, principalement la température : Les basses températures diminuent le taux d'infection, la virogénèse, la fréquence des repas, et repoussent la date de la première piqûre infectante. La réplication s'arrête en dessous de 15°C (réversible).
A l'inverse, des températures élevées augmentent le taux d'infection, la virogénèse, la fréquence des repas et rapprochent la date de la première piqûre infectante.
En outre, des températures élevées pourraient augmenter la capacité vectorielle d'espèces qui ne sont habituellement pas considérées comme vectrices, telles que C. obsoletus et C. pulicaris.
Propagation
Soit par déplacements d’animaux infectés et/ou de leur semence, soit par le transport du vecteur infecté.
Les bovins et les veaux infectés in utero, jouent le rôle de réservoir. Ils permettent au virus de passer l'hiver (« overwintering") dans les régions tempérées où l'hiver est souvent trop rigoureux pour permettre une survie du vecteur toute l'année. Dès le printemps, la densité des Culicoides commence à augmenter, mais ils ne se nourrissent que sur les bovins, sur lesquels ils se contaminent. Ce n'est que plus tard qu'ils commencent à piquer les ovins. Ainsi, une densité minimale de bovins est nécessaire au déroulement du cycle, et l’infection ne se maintient que dans les zones d’élevage.
IMMUNITÉ
Les ruminants doivent ruminer et selon leur cycle physiologique. Des rations à base de fibres sont primordiales, avec un équilibre cellulose / azote, une diversité de plantes, d’oligo-éléments et minéraux. Des apports de minéraux et d’oligo-éléments peuvent être nécessaires pour soutenir les carences provoquées par l’absence de certains éléments dans les sols de pâture, et de cultures. L’équilibre BACA Bilan Alimentaire Catio-Anionique est à considérer pour limiter les acidoses et les dérèglements digestifs associés. Un apport de chlorure de magnésium dans l’eau des abreuvoirs est un moyen efficaces pour atteindre un BACA correct. Les microbiotes intestinaux des ovins sont à renforcer, principalement lors des transitions alimentaires ou saisonnières. Un apport de kombucha fait maison, dans l’eau des abreuvoirs, permet facilement de soutenir ces besoins.
Les litières doivent être propres (alimentées par les refus de foin par exemple) et traitées lors des curages pour limiter la propagation de pathogène. Un saupoudrage de chaux éteinte est un moyen économique efficace.
Les temps de chaume sont à respecter et permis en des espaces protégés. Les sorties sont à adapter en fonction de la météo et des conditions favorables à la prolifération de parasites (culicoides, oestres par exemple). La pratique du pâturage tournant dynamique permet de maintenir en état des prairies naturelles, permanentes et mixtes, d’améliorer la fertilité et la structure du sol, ET de planifier un « vide sanitaire » des prairies en respectant les temps de repousse des végétaux.
Traitements préventifs
Phytothérapie / Tisane
Les tisanes me permettent de renforcer l’immunité. J’adapte le traitement à partir des résultats de coprologie que je réalise une fois / an.
Pour favoriser l’élimination des parasites gastro et intestinaux (strongles, douve), ET renforcer l’immunité : Aurone + absinthe + tanaisie + Achillée millefeuille
Pour renforcer les voies respiratoires, les poches gastriques, ET renforcer l’immunité : thym + sarriette + origan + romarin + marjolaine + camomille
Aromathérapie
5 ml de chaque huile Tea tree + Niaouli + Laurier noble + cyprès dans 250 ml d’huile de tournesol ou de poisson.
Dose d’administration :
Ovin 1 à 2 ml / jour
Bovin 5 à 10 ml / jour
Protocole préventif sur 14 jours
Pendant 3 jours : Une poignée de chlorure de magnésium par sceau d’eau / jour distribué aux troupeaux
Pendant 3 jours : 1l de Kombucha par sceau d’eau / jour distribué aux troupeaux
Pendant 3 jours : 250 ml de tisane par sceau d’eau / jour distribué aux troupeaux
Pendant 5 jours : 20 gouttes de Ledum Palustre 9 ch / sceau d’eau / jour distribué aux troupeaux
Et je recommence pendant toute la période de risque d’épizootie pour les oestres et les culicoides.
Les traitements administrés aux troupeaux sont en complément de la gestion du pâturage et des périodes de sorties / d'ombre. La stratégie est de renforcer l'immunité des animaux pour qu'ils trouvent leurs solutions et qu'ils puissent s'adapter aux parasites. Ces derniers ne font que se multiplier et se renforcer aux molécules anti parasitaires si peu nombreuses et dont les applications à répétition ne font qu'amplifier la résistance aux molécules.
L'augmentation des mares, des réserves d'eau de plein air, exposées au soleil, dont les eaux se réchauffent, augmente de fait les lieux de prolifération des insectes porteurs des virus et parasites. La gestion des épizootie est un enjeu de société, à relever collectivement.
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